Un tiers de l'offre de lunettes se constitue de licences. Comparé à d'autres marchés, est-ce exceptionnel ?
Le poids des marques demeure prépondérant dans le champ de l’équipement de la personne auquel appartient le secteur de la lunetterie. Ce qui est loin d’être exceptionnel au regard des parfums, cosmétiques ou accessoires de mode. Depuis plusieurs années, les maisons haut de gamme globalisées ont souhaité maîtriser toute la chaîne création-fabrication-ditribution-communication en intégrant les compétences nécessaires. Les lunettes exigent un savoir-faire industriel et artisanal complexe et une distribution dédiée, donc rares sont les marques de luxe (à l’exception de Cartier ou Louis Vuitton) et de mode à assurer la fabrication et la distribution des lunettes. Il faudra observer l’évolution du groupe Kering qui a décidé de reprendre en main ses onze licences lunettes sur le plan design, marketing et ventes, sachant que la production bien que « sous contrôle » est encore assurée par des fabricants externes.
Parfois, par le passé, le niveau de qualité des produits et leur côté très « markété » ont pu faire l'objet de critiques. Ces critiques appartiennent sont-elles encore fondées ?
Les marques qui octroient une licence à un producteur sont beaucoup plus exigeantes que par le passé, cela tient principalement à une volonté de maîtrise de la qualité de fabrication et à une nécessité de garantir un design qui soit en accord philosophique et stylistique avec elles. Les responsables de marques ont compris que face à des clients formés à la brand culture et au storytelling, des clients dont la parole se libère sur les réseaux sociaux, ils ne devaient plus se contenter de placer un logo-alibi sur un produit banal, mais de créer des produits forts, incarnés par la marque dont le logo doit être une signature qui a valeur de garantie. Le logo n’est pas seulement un marqueur social, il est désormais le signe d’une expérience de marque.
Dans un marché où les prix sont de plus en plus encadrés, des licences de luxe peuvent-elles durablement perdurer ?
Qu’appelle-t-on luxe ? Telle est la question. Il y a une confusion entretenue entre mode et luxe, or nous entrons dans une ère où le positionnement doit être clarifié pour ne pas créer de doute dans l’esprit des clients. Les licences de marques de luxe et haut de gamme peuvent se vendre à un prix élevé si elles justifient l’innovation, la créativité et une qualité irréprochable. Ce sont les marques premium qui auront le plus à perdre, souvent à la frontière entre une qualité stylistique moyenne et un prix trop élevé.
Images : © Dior – EK – Chanel – Prada