L’année dernière, le groupe italien Safilo, numéro 2 mondial en lunetterie détenu à 43% par le groupe néerlandais Hal, a vécu un trou d’air violent avec la perte de la licence Gucci, après que Kering a décidé de créer une filiale ex nihilo — Kering Eyewear — pour y loger ses licences lunettes qui génèrent environ 330 millions d’euros de revenus...
La fin de l’exploitation de cette marque, véritable cash machine, a été salutaire pour le groupe Safilo qui « s’endormait sur ses lauriers » avec une organisation industrielle assez peu performante et un management atomisé pas toujours visionnaire. Un branle-bas de combat qui a touché toutes les strates et les (nombreuses !) filiales du groupe : création, marketing, fabrication, logistique, distribution, digitalisation… chaque étape est passée au tamis de l’efficacité. Si tout n’est pas encore d’équerre, les résultats ne se sont pas fait attendre. Le plus perceptible étant le travail de style et de design des licences (25 au total dont deux nouvelles marques cool Swatch et Havaïanas) et des marques propres dont Carrera, Polaroïd et Smith en tête de pont d’une reconquête du chiffre d’affaires qui doit moins dépendre des licences mais davantage de ces marques propres. Comme a su le réussir Luxottica : les revenus du géant transalpin résultent de seulement 30% des licences contre 70% pour Safilo…
La remontée spectaculaire de Safilo tient aussi au succès des lunettes Dior (une licence détenue depuis plus de 20 ans) dont la fameuse collection « So Real » lancée en 2014 qui a bousculé le secteur de la lunetterie. Innovation, modernité, design, étonnement, tout concourt à transformer ces lunettes en « it-glasses » qui auraient généré, selon Exane BNP Paribas, 200 millions d’euros de ventes, plus que Chanel dont l’attractivité ne démérite pourtant pas, qui atteindrait « seulement » 120 millions d’euros de revenus avec ses lunettes.
La réussite des lunettes Dior tient au travail de design bien sûr, mais aussi à l’alchimie qui compose une marque de luxe : qualité de fabrication, intégrité de marque, sélectivité de la distribution et communication envieuse avec un relais éditorial puissant. Et une notoriété et une attractivité planétaires qui assurent un phénomène d’entraînement, façon rouleau compresseur. Phénomène dont a su tirer parti le groupe Safilo qui n’entend pas en rester là. Il détient d’autres pépites — Jimmy Choo, Marc Jacobs, Givenchy, Céline, Fendi… — qui, avec des lignes stylistiques bien calibrées et en osmose avec leur identité de marque, devraient assurer de très confortables revenus.
Images : Lunettes So Real © Dior