L’appariement « Luxottilor » est la première bonne nouvelle de l’année en rappelant à quel point une « vieille industrie » née au siècle dernier a encore du ressort pour se projeter dans l’avenir. Cet attelage vertical entre deux leaders mondiaux complémentaires est aussi un formidable pied de nez aux anti mondialistes rancis, aux partisans mités du protectionnisme, aux saboteurs criminels de l’Europe. Face à des Etats-Unis, aux prises avec un vieux blond aux idées noires, dominant largement l’économie du 21ème siècle, l’Europe doit revendiquer ses particularités culturelles (je n’ai pas dit « exception » qui implique une souveraineté de rente mal séante) et doit défendre la formidable richesse de ses entreprises, grandes, moyennes et petites, dont les marques et les produits sont le seul garant d’un avenir économique dans un monde sous tension.
Dans le secteur de l’équipement de la personne, la France et l’Italie dominent encore, en attendant la future vague asiatique qui va déferler dans moins de dix ans : les Chinois détiennent les usines, maîtrisent les savoir-faire, possèdent des capitaux, leur manque une culture du produit, mais ils apprennent vite ! Signe des temps, le Président Xi Jinping est venu au secours du libre-échange à Davos, s’imposant comme le grand timonier d’un nouveau siècle économique et de la mondialisation bienheureuse, « vaste océan dont il est impossible de s’échapper, que cela plaise ou non : les océans ne peuvent pas être transformés en lacs fermés et en criques », a-t-il dit.
Le mariage de raison EssilorLuxottica est le symbole d’une globalisation offensive avec des entreprises de taille mondiale dans l’objectif de dominer des marchés de plus en plus concentrés pour assurer des économies d’échelle et servir des clients sur tous les continents. Dans le secteur de l’optique, l’alliance entre ces deux géants annonce d’autres bouleversements déjà en germe. Après Kering, LVMH entend placer ses licences lunettes dans son périmètre de production, son rapprochement avec Marcolin est le signal de la fin de l’eldorado des licences. Safilo, Marchon, De Rigo, Marcolin et consorts n’ont/n’auront pas d’autres choix que de se rapprocher, fusionner ou se laisser absorber pour atteindre la taille critique… Richemont, pour ne citer que lui, 2ème groupe mondial de luxe, pourrait s’y intéresser pour développer un pôle lunettes : il a besoin de relais de croissance — l’horlogerie est à la peine — et il a un matelas de cash : « Au 30 septembre 2016, le groupe disposait d’une trésorerie nette de plus de 4,55 milliards d’euros », selon Johann Rupert, Président du conseil d’administration.
Les grandes manœuvres ont commencé et ne s’arrêteront pas là, la distribution on line et off line devra aussi entrer dans la danse, d’autant qu’EssilorLuxottica détient désormais des enseignes avec des milliers de magasins et est numéro un mondial du e-commerce optique ! En France, les enseignes trop nombreuses et peu différenciées de moins de 1.000 points de vente n’auront pas d’autres choix que de jouer la concentration et l’international pour faire poids face à des producteurs de plus en plus puissants. Ce sont les opticiens indépendants qui risquent le plus face à ce big bang qui s’annonce : sans positionnement réel, sans territoire de différenciation, sans stratégie marketing et sans moyen de communication, ils vont connaître des remous dévastateurs. Sauf à se rassembler et à fédérer leur singularité.
Image : D.R.
Article paru sur Frequenceoptic.fr.