Si les Européens sont les virtuoses de l’élégance, les Américains sont les maîtres de la décontraction. Ils ont développé le prêt-à-porter de masse, promu le sportswear, initié le casualwear et son corollaire, le « Casual Friday »…
L’histoire raconte qu’à Hawaï, Ethel Ching, un commerçant chinois, a transformé un vieux stock de kimonos en chemises hawaïennes qui deviendront le symbole de la coolitude pour les touristes et les surfeurs. A la fin des années 50, les entreprises et les administrations autorisent même le port de cette chemise pendant les fortes chaleurs dans un cadre professionnel, et à partir de 1966, tous les vendredis, à l’aube des week-ends, devenant un rite baptisé « Aloha Friday » qui s’impose petit à petit comme le « Casual Friday ».
En 1992, la société Dockers, créée par Levi’s, donne un coup d’accélérateur au phénomène, avec son pantalon « khaki » ou « chino » en toile de coton beige. Pour le promouvoir, le service marketing de la marque publie un livre, « A Guide to Casual Businesswear », qu’il adresse aux ressources humaines de milliers d’entreprises. Coup de génie marketing qui va démocratiser la décontraction dans le monde du travail aux codes vestimentaires souvent très réglementés. Le « Casual Friday » va se répandre dans le monde entier, jusqu’à se transformer en « Casual Every Day ». Une célébration planétaire qui répond au besoin de confort mais aussi de singularisation où l’uniformité ennuyeuse n’est plus de mise. Le dress code actuel est moins strict mais il en reste pas moins un dress code : aujourd’hui pour paraître cool, il faut porter un « urban jogger » (un jean jogging) ou un « yoga pant », un T-shirt ou un « hoody » (un sweat à capuche) et des sneakers ! Sans oublier des lunettes au style rétro moderne qui achèvent la panoplie de la « casual humanity ».
Ce casual, distillé au fil des époques, évolue encore : trop clean et trop embourgeoisé, il se frotte au streetwear aux références étendues entre surf, hip hop et ghettos urbains. Une forme de sous-culture populaire qui brille désormais sous les sunlights des fashion weeks, une gentrification poussée par les marques de luxe entichées d’énergie libertaire de la rue et des rappeurs des cités instragammés à outrance et soutenus par des millions de fans captivés. Le vestiaire globalisé adopte des variations tiraillées autour du concept sport/casual/leisure/streetwear, véritable marqueur de la singularité épanouie dans le magma mondial où tout le monde ressemble à chacun. Et vice versa.
A lire, le magazine digital MO FASHION EYEWEAR n°88 dédié aux lunettes de casual…