Le renouveau industriel de la lunetterie française n’est pas pour demain, mais il est en marche, à pas lents certes et toujours sur une ligne de crête périlleuse. Le Président Macron a fait de la réindustrialisation de la France un de ses (nombreux !) chevaux de bataille, avec quelques succès grâce à son plan France Relance assorti d’une pluie de milliards d’euros de subventions. Il est temps. Le déclin de l’industrie, plus marquée en France que dans d’autres pays, représente 12 % de la valeur ajoutée totale avec pour conséquence une balance commerciale dans les abysses. Un affaissement lié à de nombreux handicaps dont une surenchère décourageante de normes et de lois produites par des gratte-papier en surnombre, une montée en gamme déficiente, des prix élevés pour une qualité moyenne, des entreprises de taille insuffisante… Des handicaps, parmi d’autres, qui ont touché la lunetterie française.
Il ne faut pas « désespérer Billancourt » pour citer des apparatchiks fossilisés, des acteurs du secteur se bougent. Trois marques indépendantes, une Belge et deux Françaises, Theo, J.F.Rey et John Dalia se sont unies pour reprendre in extremis les activités de Cemo-Decovision, un de leur sous-traitant jurassien en liquidation, fabricant de montures en métal et acétate depuis 1965. Un sauvetage bienheureux, mais qui n’est pas sans risques, eu égard à la situation financière de l’entreprise, les nouveaux propriétaires ne vont préserver que 28 emplois sur 50, ce qui ne manquera pas d’interpeler les clients sur ses capacités de production… Dans un esprit d’alliance stratégique, deux PME aux expertises complémentaires, Opal Demetz et Roussilhe, ont annoncé, je cite « leur union pour devenir un acteur de référence sur le marché de la lunetterie française. » La première gère un gros portefeuille de licences enfant et adulte, plus un savoir-faire dans le sport avec Demetz. La seconde produit des montures labellisées OFG dans deux unités, à Nantes et Oyonnax, pour de nombreuses marques et pour ses marques propres.
Ces entreprises sur le pied de guerre entendent dégourdir le Made in France et redimensionner à une échelle compétitive une industrie dramatiquement réduite dans un pays où le travail est déprécié et les usines maudites depuis 40 ans.
Dans une tribune récente, Laurent Moisson, entrepreneur et animateur des Forces Françaises de l'Industrie avait proposé au nouveau gouvernement Attal de regrouper plusieurs secrétariats d’État sous un grand ministère « des polémiques et des débats superflus ». Une proposition rejetée. « Il y avait pourtant là de quoi dépenser proprement de l’argent public ! » défendait Laurent Moisson. « Tout en détournant l’attention d’un peuple préférant généralement s’étriper sur des sujets futiles plutôt que de plancher sur des sujets douloureux et techniques. Notamment sur les conditions nécessaires au retour d'une industrie capable de relancer l’ascenseur social et l’intégration », ajoutait-il. Tant il est vrai que la classe politique française préfère s’écharper entre elles avec des querelles infertiles et se complaire dans son miroir, plutôt qu’agir en regardant la France dans les yeux et en fronçant les sourcils pour la remettre au travail.
Article paru sur Frequenceoptic
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