Le musée des Arts Décoratifs présente une exposition exceptionnelle sur Christian Dior (j’en détaille l’attrait sur le captologue). La scénographie très inventive met en scène les faits historiques de cette maison de couture avec une iconographie émouvante et réjouissante d’images et de films, et une sélection de silhouettes marquantes d’une histoire de style constant et renouvelé par de grands créateurs (Saint Laurent, Bohan, Ferré, Galliano, Simons, Chiuri), plus des accessoires : bijoux, chapeaux, chaussures, sacs, cosmétiques et parfums… Quid des lunettes ?
Certes, je suis un rien monomaniaque sur le sujet, mais comment montrer l’étendue créative d’un tel monument de la mode sans y exposer la moindre paire de lunettes ?! Ce n’est pas la première fois que je m’en étonne, les collections des musées de la mode resserrent rarement cet accessoire dans leurs réserves, un désintérêt qui n’offusque guère les curateurs pour qui l’accessoire en général et la lunette en particulier est souvent un complément d’objet indirect qu’ils conjuguent à leurs silhouettes avec parcimonie. Ou jamais ! Les lunettes sont trop souvent les oubliées de l’histoire…
N’empêche dans le cas de Dior, il s’agit d’une faute historique. Christian Dior n’a jamais dessiné de lunettes (à ma connaissance…) ni ses successeurs, le dit accessoire étant géré par des licenciés, mais il a participé au développement et à la notoriété de la maison de couture. Dès les années 60/70, les grands noms de la mode, dont Christian Dior, plantent leur logo sur des lunettes, solaires pour commencer, optiques pour suivre, qui viennent enrichir leur extension de gammes (et leur portefeuille !).
C’est la société autrichienne Carrera qui a produit, dès les années 60/70, des collections de lunettes Dior, notamment en Optyl, un plastique plus léger que l’acétate, breveté par Carrera. En 1996, l’italien Safilo Group rachète la société Carrera et hérite de la licence Dior qu’elle a su faire fructifier. Les lunettes Dior ont imposé un style spectaculaire et portable, reconnaissable et captivant, à l’image de la monture SoReal présentée en été 2014 dont la forme pantos déstructurée fait un carton planétaire. Les ventes annuelles des lunettes Dior dépassent les 200 millions d’euros, c’est cinq fois moins que les parfums, mais suffisant pour avoir une place dans une exposition Dior qui relate un fastueux univers de mode, la pertinence d’un style, la grandeur d’une marque.
Photo : © Dior, Carrera, Safilo Group